Grand débat : conforme aux attentes !!!
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Nous nous sommes rendus aux réunions publiques organisées à Grasse, Cannes et Nice par le Préfet, sans illusion sur les intentions du gouvernement concernant le grand débat sur l’école. D’autant moins naïfs que nous avions avec beaucoup d’intérêt pris connaissance de l’audition par la commission des finances de l’assemblée des ministres Ferry et Darcos et donc des conclusions qu’ils tiraient du débat avant qu’il ne se soit tenu. Cette expérience confirme nos analyses : le gouvernement entend bien aller le plus loin possible dans la mise en œuvre de son projet libéral ( Luc FERRY le dit tel quel !!) et le faire cautionner par l’opinion.
Que
retenir de ces soirées ?
Alors que le Préfet du Var annonce les dates, les lieux et les thèmes
abordés pour chacune des réunions publiques ; pour celui
des Alpes Maritimes c’est la surprise du chef : à Grasse vous
découvrez en début de réunion quelles seront les questions
traitées, il en sera de même à Cannes et à Nice.
Belle manière de faire jouer à plein la démocratie :
la salle ne sait pas de quoi on va parler, mais la tribune, elle, le sait. Le
débat promet d’être riche puisque tout le monde est au même
niveau de réflexion !!!
A
Grasse le sous Préfet et l’animatrice (universitaire adjointe au
maire de Grasse), pensant que la salle serait peut-être à cours
d’idées ont invité des « grands témoins »
(3 sur chacune des questions en débat) qui sont censés faire une
courte intervention pour introduire ou témoigner. Tous ceux qui un jour
ou l’autre ont été conduits à faire ce genre d’exercice
savent bien qu’il est difficile de dire beaucoup en aussi peu de
temps. Cela s’est reproduit autant de fois qu’il y avait de « grands
témoins » et c’est ainsi qu’un intervenant de
la salle a du attendre 45 minutes entre le moment où on lui à
dit qu’il allait pouvoir parler et celui où il a effectivement
pu intervenir. Ces témoignages pour intéressants qu’ils
étaient n’en ont pas moins mobilisé les deux tiers du temps
de la soirée.
A la décharge des organisateurs bien peu de gens dans la salle ont manifesté
l’intention de s’exprimer soit parce qu’ils étaient
là pour assurer la « claque » au Maire, soit qu’il
étaient plus ou moins démunis en découvrant les questions
sur place. Cette situation nous a permis d’intervenir à plusieurs
reprises (il était bien difficile dans ces conditions de ne pas nous
donner la parole).
Après que le sous-Préfet se soit félicité de l’intérêt
et de la courtoisie de ce débat, il a confié au Maire de Grasse
Mr LELEU (UMP) le soin de conclure. On pouvait penser, à ce moment là,
qu’il allait comme cela se fait habituellement ramasser les idées
fortes et les propositions qui s’étaient faites jour au cours de
la soirée. Foin de tout cela : la conclusion était déjà
écrite bien avant le début de la soirée. Et le voilà
qui excuse Mme TABAROT (député UMP de la circonscription) qui
se dit très intéressée par le débat sur l’école
mais qui s’excuse de n’avoir pu venir(mais qui donc à choisi
cette date aussi mal placée ?) , elle nous garanti cependant qu’elle
sera présente à l’Assemblée le jour du vote (autrement
dit « amusez-vous, les choses sérieuses se passent ailleurs ») .
Belle conception de la démocratie !!
Et voilà Mr LELEU de conclure. Etant le dernier à parler il est
facile de dire tout et n’importe quoi. Et on nous ressort l’échec
du collège unique ; le triptyque : lire, écrire, compter ;
l’entreprise au cœur de l’école, au passage la quasi
incompétence des personnels et la nécessité de remettre
tout cela en ordre au point que les quelques enseignants présents se
sont levés et ont quitté la salle montrant ostensiblement qu’il
ne pouvaient en entendre davantage tant le propos était outrancier. Les
politiciens de l’UMP ont bien été chapitrés.
Nous avons constaté une nouvelle fois que de nombreux adultes et ce quelque soit le milieu dans lequel ils évoluent, ont des représentations erronées de ce qu’est le service public d’éducation, de ses personnels, de leur activité et de leur formation. Ces représentations sont basées sur leur propre expérience d’élève (qui souvent date) et leur permet de régler quelques comptes avec ceux qui ont eu sur eux un pouvoir important à un moment de leur vie. Elles sont aussi basées sur des analyses et des commentaires souvent caricaturaux (on réduit l’enseignement de la technologie à l’étude de l’agrafeuse, la formation continue des enseignants ne sert qu’à faire des stages de poterie ou bien on se gausse à propos du jargon pédagogique. Ces analyses faites par de pseudos-experts font hélas l’objet de publications qui n’ont pas manqué depuis quelques temps et dont le but essentiel est de discréditer le service public et ses personnels.
A Cannes et à Nice
Si
à Cannes et à Nice le débat était plus ouvert il
n’en reste pas moins que les contributions essentielles venaient des représentants
de la FSU, de la FCPE et du PCF, très présents les uns et les
autres, avec à Cannes une intervention pertinente du conseiller municipal
communiste Claude MEYFFRET qui, chiffres à l’appui (pour la ville
de Cannes) a su montrer les différences de scolarisation des deux ans
dans le public et le privé.
Le compte rendu qui a été fait de la soirée de Cannes dans
la presse locale est particulièrement tendancieux et laisse penser que
le journaliste ne l’a pas suivie jusqu’à son terme puisqu’il
ne rend pas compte de l’ensemble des débats préférant
laisser une large place à une interview de Mr VOULAND dont tous les observateurs
présents auront pu juger de l’incapacité à porter
sur la situation un regard objectif et pertinent.
A Nice alors que la soirée devait être présidée par
le Recteur et le Préfet aucun des deux n’était présent
pas plus que l’Inspecteur d’Académie qui n’avait délégué
qu’un de ses adjoints. Il est probable que la maigreur de l’assistance
(une centaine de personnes !!) tant à Grasse qu’à Cannes
les ont dissuadés de se présenter à cette soirée.
D’ailleurs si la « claque » était encore
relativement importante à Cannes, à Nice les partisans de l’UMP
étaient très peu nombreux et beaucoup d’entre eux sont partis
après que le maire ait quitté lui-même la salle.
Nous avons donc pu apprendre, que grâce à l’intervention
pertinente d’élus (de tous bord d’ailleurs) lors des élections
de délégués d’élèves dans un collège
difficile, les collégiens avaient étés sensibilisés
à l’acte citoyen du vote, qu’ils avaient fait des progrès
considérables dans l’apprentissage de la démocratie et que
depuis tout allait beaucoup mieux en matière de violence scolaire et
d’incivilité. Fabuleux non ? les profs principaux qui organisent
les élections de délégués depuis 1968 devraient
en prendre de la graine, eux qui faisaient cela n’importe comment jusqu’alors ?
Mais que font tous ces professeurs d’Histoire Géographie censés
enseigner l’éducation civique ? Merci monsieur le conseiller
général VINCIGUERRA. L’exemplarité des comportements
de certains politiciens (quelques uns allant jusqu’à faire voter
des lois d’amnistie ou des statuts juridiques particuliers pour la fonction
qu’ils occupent qui leur permettent d’échapper aux foudres
de la justice) n’incite hélas pas la jeunesse d’aujourd’hui
à s’exprimer par le vote.
La nostalgie des apprentissages fondamentaux : lire, écrire et compter
prioritaires sur tout le reste, le tout ponctué de quelques bons « coups
de pieds au cul » salutaires est encore présente dans quelques
témoignages, accréditant ainsi les thèses de ceux qui au
pouvoir ou bien dans certaines organisations syndicales estiment qu’une
« culture commune » minimaliste suffirait pour l’ensemble
de la population, pour le reste c’est chacun pour soi, les « meilleurs »
émergeant naturellement de ce magma par « sélection
naturelle ».
Il nous a semblé quelquefois reconnaître le programme « éducatif »
du FN (si, si, cela existe allez voir sur leur site c’est édifiant ;
surtout si le monstre prend la région PACA et que les autres continuent
de décentraliser et de déconcentrer).
Quelques intervenants sur la question de la place de l’entreprise à
l’école semblaient ignorer tout ce qui se fait dans ce domaine
(bains en entreprise, forums des métiers, etc…) mais peut-être
n’avons-nous pas bien compris le sens de leurs interventions !!!
Nostalgiques
de l’apprentissage chez un artisan ou un compagnon, argumentant avec le
modèle germanique, ils souhaitent une orientation professionnelle précoce.
Ceux-là ignorent ou feignent d’ignorer que la plupart des pays
qui avaient mis en place un tel système font aujourd’hui marche
arrière (les allemands en particulier qui à cette occasion re
centralisent et envisagent même de revenir sur l’organisation de
la journée scolaire.
Nous
leur avons fait remarquer que selon des études prospectives très
sérieuses :
Et pour finir quelques trouvailles d’intervenants très inspirés :
Quel
bilan tirer de ce « grand débat » :
c’est une certitude les remontées tant des établissements
que des débats publics ne donneront pas satisfaction au gouvernement
et il faudra beaucoup de mauvaise foi et de « tripatouillages »
pour nous faire avaler le contraire.
Pendant que nous « débattons » le Ministère
met en œuvre le budget 2004 avec la dotation en moyens de l’académie
de Nice ; elle est « indécente » comme le
dit le communiqué de la FSU et en tous cas sans commune mesure avec les
besoins et les ambitions que nous avons pour la jeunesse de ce pays.
E nfin le gouvernement croit qu’en ayant frappé les personnels
de l’éducation à la caisse comme il le fait à la
suite du mouvement de printemps, il a complètement annihilé toute
velléité de lutte, et qu’il peut s’engager encore
davantage dans le processus de libéralisation amorcé en cédant
aux injonctions de l’AGCS, je crois qu’il se trompe et que les personnels
ont beaucoup appris des luttes du printemps 2003. La riposte prendra peut-être
un peu du temps mais elle va venir.
Dominique HENROT