1er prix de la citoyenneté : trouver la bonne dimension !  par Philippe Vallée


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Le 1er Prix de la Citoyenneté vient de se terminer*. Comme tous les projets ambitieux celui-ci a montré ses forces et ses faiblesses, mais il est arrivé à son terme, semble t'il, à la satisfaction de tous.
Pour l'avoir vécu de l'intérieur, il me semblait nécessaire de revenir sur cet événement afin d'en faire ressortir les particularités et de proposer des "aménagements" pour le cas où un deuxième prix de la citoyenneté viendrait à voir le jour.

La genèse du projet

Belle idée ambitieuse et généreuse de faire participer des élèves de 4ème sélectionnés à ces deux jours de fête, mais le flou du projet qui s'est concrétisé tardivement en même temps que se développait un mouvement social de grande ampleur, n'a pas contribué à donner de la "lisibilité" à l'affaire.
Les enseignants aiment à proposer des projets qui ont du sens, qui ont ou auront des répercussions sur la vie de la classe ou de l'établissement. Là, les élèves n'ont pas toujours pu être "sélectionnés" selon les critères avancés par les organisateurs. Peut être aurions aimé récompenser des élèves méritants, impliqués dans la vie de l'établissement ou de l'Association sportive ? Une récompense qui vient concrétiser un travail de l'année.
Dans mon établissement je n'avais qu'une équipe engagée, 5 élèves choisis par moi, je ne suis même pas sûr que mes collègues des autres disciplines ont été au courant de l'opération !

La forte implication de l'Inspection Académique et la "pression" sur les chefs d'établissement pour qu'ils engagent des équipes a rendu les enseignants méfiants. Le budget énorme d'une telle opération ( on nous a parlé de 80 000 euros sans compter les prestations des partenaires) en ces périodes où l'on crie aux économies (plan voile), a été difficile à avaler par beaucoup d'entre nous qui "rament" chaque année pour obtenir quelques moyens pour leurs actions. Combien de murs d'escalade, de sorties voiles ou théâtre, de cars de transport, peut-on payer avec un tel budget ?
La question est : quel est le bénéfice pour nos élèves et nos établissements de tout ça ? Pour le Conseil Général et les différents partenaires nous voyons bien les retombées en terme d'image, de notoriété, mais pour nous ? Sommes-nous la justification morale : "on fait tout ça pour vous" ?

Mais dans ce cas il y a plus à faire et autrement.
Les valeurs morales et citoyennes prônées par le projet ont été largement mises en évidence par tous nos jeunes "sélectionnés", mais était-ce eux qui en ont besoin alors même qu'ils ont montré qu'ils possédaient déjà ces valeurs ? Pourquoi ne pas orienter ce prix vers des élèves qui pourraient découvrir les vertus du groupe, de la solidarité, de l'entraide, de l'effort sportif ? Ce sont les mêmes élèves qui en plus n'ont pas les moyens de se payer de telles activités (acrobranche, voile) !
Il faut peut être repositionner le projet autour des valeurs et des jeunes. Pour les jeunes.

L'organisation et les épreuves

Vu la complexité de l'organisation et la multiplicité des lieux de pratique, il faut reconnaître le travail exemplaire qui a été réalisé par tous.
Ce qui rend d'autant plus énervant les petits "ratés" lorsqu'ils surviennent.
Chaque session a été différente et les problèmes l'ont été aussi (transports manquants ou en retard, organisation défaillante, problème de météo, etc…), mais il ressort deux aspects qui doivent être améliorés :
- Le décalage entre ce qui est annoncé et la réalité (possible ou souhaitable) : heureusement que la luge d'été n'a pas pu se dérouler car les élèves auraient été complètement "lessivés" à la fin de la journée ! En revanche nous n'avons vu ni "remue méninge", ni secourisme, ni occupation des élèves "intelligente ou culturelle", pendant les rares temps morts (demi journée d'accueil). Peut être notre session est-elle mal tombée ? Il est vrai que nous sommes allés à Eur'altus et que nous n'avons, de ce fait, pas eu le même traitement que les autres.
- L'aspect sportif extrêmement dominant : randonnée de 3 h suivie d'une demi-heure de pause et acrobranche de 3 h, peu de sommeil (dure, la garde de nuit pour les profs) et de nouveau grosse journée sportive. Ce n'est pas un programme qui est à la portée de tous. La plupart des enseignants étaient des professeurs d'EPS, a priori capables "d'assurer", mais certains collègues ont dû trouver le séjour un peu chargé. Quant aux élèves, en plus de leurs qualités morales et citoyennes, il fallait qu'ils soient sportifs et en très bonne condition physique.

Pour le séjour qui me concernait (18 au 20 juin) l'organisation conjointe du Prix et d'Eur'altus a montré ses limites.
La partie montagne carrée, bien expliquée et bien encadrée, fut suivie d'une partie mer sans organisation et sur un site limite !
- Personne sur place pour expliquer le déroulement de la journée et la nécessaire coordination des rotations d'activité.
- Flou général dans l'organisation (Eur'altus, encore ?)
- Activités annulées à cause du site (vague cassante du bord de plage, alors qu'il n'y avait pas beaucoup de vent).
- Manque de bateaux de sécurité (utilisés par Eur'altus).
- Horaires trop rigoureux

Peut être faudrait-il impliquer davantage les professeurs d'EPS dans l'organisation : gérer des groupes et des activités, on sait faire ! (Encore faut-il savoir que nous devons nous impliquer alors que nous avons été pris en charge depuis le début.)

Pour finir, il y a un point noir sur lequel je souhaite revenir, c'est la sécurité.

Nous, professeurs d'EPS, gérons au quotidien le risque, prenons toutes les précautions pour nos élèves et nous, et nous sommes soumis à des pressions extrêmes et justifiées pour respecter au maximum la sécurité.
Ø Et là, nous emmenons les élèves du Prix de la Citoyenneté sur l'Acrobranche de Valberg,
- Avec du matériel défectueux (mousquetons qui ne ferment pas, cliquets automatiques très fatigués "il suffit de les repousser avec le doigt !"),
- Avec des élèves à qui l'on n'a pas montré le minimum de la sécurité (comment se mousquetonner, où s'accrocher). La seule information donnée concerne les tyroliennes et encore elle est collective et sans vérification de réussite.
- Pour lesquels la difficulté du parcours n'a pas été donnée (rouge, bleue, découverte, quel niveau ?)
- Enfin avec une surveillance générale du parcours sous estimée et trop superficielle compte tenu du nombre d'élèves engagés. (une collègue m'a assuré que d'autres groupes ont fonctionné en même temps que nous, ralentissant ainsi la progression de nos élèves et empêchant certains de terminer !)
Ø Pour la voile : départ de la plage de Nice (certes avec peu de vent et des bateaux très sûrs), mais sans la moindre consigne, ni explication sur le comment faire, sans s'assurer que les élèves avaient une quelconque compétence dans l'activité.

Que l'on me comprenne bien, il ne s'agit pas de dénoncer, de rejeter en bloc cette belle idée, il s'agit de faire remonter des "critiques" dans un but constructif.
Si le prix de la citoyenneté doit avoir une deuxième édition, ce que je souhaite, il doit tenir compte de ces retours, car l'expérience collective est riche pour les collègues et les élèves et joue en ce sens tout son rôle.

* Le 1er prix de la citoyenneté est une manifestation organisée par l'Association Solidarsport et le Conseil Général 06, avec Nice Matin, l'UNSS, l'Inspection académique et un stock de sponsors.