LUC FERRY VEUT REFORMER LES IUFM Par Gilbert Orsi
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Les IUFM à
nouveau sur la sellette
Après F. Bayrou et F. Fillon en 93, C. Allègre en 2000 et J. Lang en 2001, c'est au tour de l'actuel ministre L. Ferry, de présenter sa réforme des IUFM. S'appuyant sur un rapport des inspections générales de l'EN à la mi- février, ce projet contient un ensemble de " 28 mesures " particulièrement gratinées.
Notre ministre
veut réformer les IUFM en renforçant le rôle des
universités dans la formation des enseignants. Il est ainsi
question de transférer aux universités la première
année de formation des futurs professeurs (essentiellement consacrée
à la préparation du concours), année recentrée sur
les disciplines académiques. Les universités devront faire "
évoluer leur offre de formation en fonction des besoins des futurs
enseignants ", avec une adaptation des épreuves aux concours
(en se fixant sur les programmes scolaires, en particulier).
De leur côté, les actuels IUFM auront à charge d'assurer
une formation plus professionnelle en deuxième année,
dont la durée des stages pratiques sera allongée.
Jugeant également les instituts de formation " trop autonomes ",
le projet veut renforcer la tutelle des rectorats : "
les IUFM ont perdu de vue d'être des écoles d'application au service
de l'employeur, en l'occurrence le ministère de l'éducation et
les rectorats ", juge-t-on dans son entourage.
Réactions : non à des IUFM coquilles vides !
La réaction
de divers acteurs de la formation ainsi que de nombreuses organisations professionnelles
(SNEP, SNUIPP, SNES, SNESUP, SNUEP) ne s'est pas faite attendre. D'assises en
pétitions, de lettres ouvertes en motions déposées, les
diverses modalités d'expression sont unanimes pour dénoncer
un projet rétrograde, " une philosophie nous renvoyant
plus de quinze ans en arrière alors que nous devons former les maîtres
de notre temps ".
Les syndicats ont toujours refusé les clivages entre formation disciplinaire
et formation pédagogique, entre théorie et pratique. L'année
de préparation aux épreuves du concours doit être pleine
et entière. Outre le fait de vouloir privilégier l'acquisition
des savoirs professionnels par la pratique, l'empirisme et le compagnonnage,
celui de vider le plus possible la formation des apports universitaires de la
recherche, on lit dans ce projet le désir inavoué de faire
des économies sur le dos de la formation. Quand les stagiaires
cesseront-ils d'être considérés comme des moyens supplémentaires
(l'animation de l'AS risque de disparaître, par exemple) au prétexte
que le fonctionnement actuel, trop " théorique ", manquant
de réalisme, ne serait pas satisfaisant ? Les IUFM ne peuvent
être dépouillés de leur mission de formation, devenir des
coquilles vides, simple centre de gestion des enseignants.
Des évolutions indispensables
Malgré tout, chacun le reconnaît, une modification en profondeur de la formation des enseignants n'en demeure pas moins une nécessité. Faire la classe est beaucoup plus difficile qu'avant. L'enjeu pour les IUFM est la formation de 180 000 professeurs en 5 ans, capables non pas de singer les cours d'un conseiller expérimenté, ou de recopier ceux d'un conférencier déconnecté de la réalité des établissements, mais d'inventer les pratiques pédagogiques d'aujourd'hui et de demain. Sans opposer des professeurs de " théorie " à d'autres de " pratique " l'appropriation de ces compétences professionnelles passe par les regards croisés de formateurs différents. Ils doivent accompagner les enseignants en formation pour agir mais aussi pour réfléchir, chacun selon ses savoirs, son expérience, sa sensibilité.
Enfin, pour ce qui est de la formation continue, dans le second degré elle est dérisoire. On parle de revenir à la situation d'avant 1998 (Mafpen). Les IUFM doivent en conserver la maîtrise mais être surtout dotés des moyens suffisants pour promouvoir cette formation.
Crées en 1989, les IUFM ont ouvert un chantier. Malgré des acquis, il est vrai que la grogne (parfois exagérément médiatisée) de certains stagiaires prouve qu'une formation de haut niveau reste à inventer. Certaines mesures annoncées peuvent représenter une avancée comme par exemple une entrée plus progressive dans le métier. D'autres sont franchement gênantes, comme la transformation du mémoire professionnel en simple rapport de stage (devenant en Europe la seule formation professionnelle à bac + 5 sans ce type d'exercice).
Que
ce soit en formation initiale ou continue, en définitive, on en revient
toujours aux mêmes inquiétudes : ce n'est pas tant la nécessité
des réformes qui est préoccupant que le contexte de restriction
budgétaire dans lequel elles sont annoncées (au 15ème rang
des pays de l'OCDE, la France accumule des retards considérables en matière
de dépense nationale d'éducation par étudiant). Affaire
à suivre, donc.
G.O
Pour aller plus loin : la page spéciale du site national
Le rapport IGEN sur la formation initiale et continue des maitres (22 mars 2003) pdf 200 ko
Rapport de l’Inspection générale sur la formation initiale et continue des maîtres : une réponse de la Conférence des directeurs d’IUFM (26 mars 2003)