STAGE SYNDICAL du 6 et 7 mars 2003 SUR LES RETRAITES par Gilbert Orsi


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Dans le cadre des journées de formation syndicale, le SNEP a été à l'initiative, jeudi 6 et vendredi 7 mars 2003, du stage " retraite ", auquel s'étaient joints, compte tenu de l'opportunité du thème, d'autres syndicats de la F.S.U.

Au nom d'une pseudo modernité

Dans la conjoncture économique actuelle, la fonction publique est dans la ligne de mire de nos dirigeants zélés. Convoqué ce même vendredi 7 mars à Bruxelles, le ministre des Finances Francis Mer, promettait des réformes chocs, des solutions de " bon sens " pour ramener la croissance : " Nous allons connaître de nombreux départs à la retraite dans la fonction publique. Et bien, ayons la loyauté de dire que nous pouvons très bien ne pas remplacer tous les départs à la retraite " (Nice Matin du 8 mars2003 ).
Plus de doute, en effet, sous couvert de modernité, loyauté et bon sens, il faut s'attendre à des mutations d'envergures qui risquent, sans plus de scrupules, de mettre à mal les acquis sociaux, en particulier ceux touchant à notre retraite.
Tout au long de ce stage notre ami Edouard Vernier, principal animateur de ces journées et expert reconnu dans ce domaine, après avoir détaillé le mécanisme complexe du " code des pensions " (budgétisation, péréquation, assimilation) s'est efforcé de démontrer qu'entre fatalisme et naïveté, une voie alternative, réellement progressiste, était possible pour prendre en compte la question du droit à la retraite pour tous, non seulement sans perte des acquis mais avec des ambitions renouvelées (par exemple, la possibilité d'inclure les années de formation initiale, professionnelle, d'apprentissage dans le calcul des annuités).
Pour faire front, un nouvel axe de bataille doit être tracé.

L'argument démographique en question

L'alarmisme de la population vieillissante est souvent présenté par nos dirigeants et par le Medef comme l'alibi pour repousser coûte que coûte l'âge de la retraite ou réduire le montant des pensions versées (rapport Charpin).
C'est un fait, malgré une augmentation de départs à la retraite dès 2006 (les " papies boomeurs " devraient passer de 500.000 en 2003 à 750.000 en 2006) la proportion des personnes âgées va fortement augmenter dans le futur. Ainsi, les chercheurs estiment qu'en 2040, l'espérance de vie devrait s'accroître de 10 ans supplémentaires. Aujourd'hui, les retraités représentent 16 % de la population française, en 2040 ils seront 27 %.
Pourtant, les études montrent que l'argument démographique est à relativiser, présenté comme cause exclusive de déséquilibre dans le financement des retraites, il peut même devenir trompeur :
- D'abord, parce que les inactifs ne sont pas seulement les " vieux ". Les jeunes à charge de 0 à 19 ans sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux que ceux âgés de 60 ans et plus. Or, le nombre de jeunes devrait diminuer et cette chute devrait compenser, jusqu'à un certain point, la croissance de la population âgée.
- D'autre part, il faut le dire clairement, les retraites ne concernent pas que les vieux ! La question plus globale des " inoccupés ", (inactifs, chômeurs, jeunes et vieux) est une variable qui dépasse le simple rapport inactif / actif. Il faut insister sur le fait que parler de l'évolution de nos retraites c'est envisager aussi le problème de l'emploi, un mécanisme beaucoup moins fataliste, la volonté ou non de s'attaquer à la plaie du chômage ( au bénéfice, en particulier, des jeunes à la recherche d'un premier emploi). Ici, le prétexte du vieillissement est un argument bien commode pour passer sous silence les initiatives catastrophiques issues des plans de fermeture actuels dans nombreux sites d'emplois.

Des solidarités attaquées

Si les solutions sont à construire, la question des retraites est malgré tout trop grave pour la laisser entre les seules mains de nos politiciens (c'est pourtant ce qui est en train de se passer ). Compte tenu des enjeux, elle présuppose des choix de société dans lesquels chacun à sa part de responsabilité, sa part de solidarité :
Solidarité inter générationnelle. C'est ce que permet justement notre système de répartition actuel, qu'à coup de slogans " modernistes " la folie des marchés voudrait bien s'accaparer : " les fonds de pension c'est le remède miracle ! " (on a vu où les placements en bourse et les scandales financiers type Enron ont abouti !) E. Vernier nous rappelle que " sans catastrophisme excessif, il est possible d'équilibrer l'équation des retraites et des pensions. Les experts affirment qu'en augmentant progressivement le taux de cotisation de 0,30 % par an, cet équilibre pourrait être atteint en douceur d'ici 2040 "
Solidarité inter catégorielle public/ privé. Elle est systématiquement mise à mal par le Medef pour obtenir un alignement par le bas, faisant suite aux mesures Balladur de 93 : " les fonctionnaires sont des nantis " (alors que les primes n'entrent pas dans le calcul des retraites, que les salaires nets y sont parfois plus faibles et que la prise en compte de la seule carrière statutaire dans le décompte des annuités fait que 80% des agents des plus petites catégories de la fonction publique n'ont pas à 60 ans les 37, 5 ans d'exercices). La proposition du Medef est de porter la durée de cotisation à 45 ans pour avoir droit à une retraite à taux plein en 2023. Ce qui signifie que l'alignement par le bas public/privé va donner prise à d'autres augmentations possibles dans le privé.(Les études montrent pourtant que si demain la retraite est fixée à 62 ans, on obtiendra un chômage au-dessus de 10% et pour un long moment).

Un stage d'information et d'action

Suite à ces informations (on sent bien que la retraite devient une marchandise soumise à des critères de rentabilité), à l'évocation par les collègues (profs, instits, personnels de service…) de cas concrets, ponctués de nombreux moments de discussion, la dernière partie du stage a donné l'occasion aux stagiaires d'exprimer la volonté de " faire bouger " les choses, d'utiliser l'outil syndical pour ne pas succomber à la passivité des événements. Les diverses réactions ont mis en évidence, sur cette question précise des retraites, l'instauration d'un bras de fer entre administration centrale et usagés du service public d'enseignement (l'appel à la grève du 18 mars va dans ce sens) Certains ont même espéré que la FSU devienne le porte drapeau des différentes revendications émergentes pour la préservation des droits acquis (selon un sondage Sofres d'août 2002 : 66% des français jugent inacceptables de travailler au-delà de 60 ans, aujourd'hui l'âge moyen des départs à la retraite en France est de 57 ans).

De l'information aux revendications, des revendications à l'action : en somme, un stage de formation syndicale particulièrement réussi.

G.O